Les Serpents de Marie N'Diaye | L 21.03 | 19h | La Menuiserie, Mancieulles


Cette lecture, programmée dans le cadre des avant-scènes du Théâtre Ici&Là de Mancieulles est une première étape de travail avant la création prévue à l'automne 2017.

Mise en scène : Anne-Margrit Leclerc
Interprétation : Claire Aveline, Noémie Carcaud et Stéphanie Farison

Une chaude journée de 14 juillet, accablante.
Des champs de maïs à perte de vue, qu’il semble dangereux de pénétrer.
Au bord, une maison isolée presque fermée retient deux enfants surveillés par leur père.
On ne les verra pas, tout juste entendra-t-on quelquefois sa voix, son souffle et leurs cris.
Parés, ils attendent le feu d’artifice.
Sur le seuil, trois femmes vont se retrouver, s’affronter.
L’une, la mère de l’homme, criblée de dettes est venue demander, exiger l’argent de son fils pour échapper à
ses créanciers.
Les deux autres, ex-belle-fille et belle-fille vont s’échanger leurs vêtements, leurs places, leurs vies.
C’est une histoire monstrueuse et drôle de dévoration et d’abandon.
Mais voilà. Qui est l’ogre ?
Le petit poucet a-t-il lui-même abandonné ses parents ?
Et si le petit chaperon rouge, sans son joli manteau, n’avait plus peur du loup ?


Les serpents, un conte cruel par Anne-Margrit Leclerc

La première lecture des Serpents m’a laissée une trace (comme incertaine), quelque chose qui gratte, interroge, dérange, décape que l’on pourrait avoir envie d’oublier, voire d’abandonner peut-être même avec violence. 

J’ai cru que l’étrangeté de ce texte me tenait à distance de lui. Et pourtant cette trace s’est ancrée, tenace. Elle est restée comme une morsure. 
Mon choix de porter à la scène ce texte s’est fondé d’une part sur la langue singulièrement littéraire de Marie N’Diaye et d’autre part sur la contemporanéité des enjeux de l’histoire. 

J’ai tenté de comprendre de quel monde souterrain provenait cette langue, d’apprivoiser ce qui travaille dessous, de démêler les noeuds, de découvrir ce qui engendre cette étrangeté, cette irréalité vraissemblable, comme interpréter un rêve. J’ai découvert qu’au détour d’un mot, une légende apparaît, que derrière une image se tapit un mythe, qu’au hasard d’une réplique, un conte oublié de l’enfance,  ses peurs et ses monstres aussi, ressurgit.
 
Paradoxalement, la question de l’identité féminine, centrale dans la pièce, est posée dans un présent très correct. Les trois figures féminines des Serpents, la mère et ses deux belles-filles, semblent étrangement engluées dans une quête de l’être et du devenir. 

Quels chemins cruels doivent-elles emprunter pour accéder à la pleine conscience d’elles mêmes ?

Une drôle de mère, mangeuse assoifée d’hommes, socialement établie par ces mariages successifs mais qui, au bout du chemin, sans plus aucun mari à se mettre sous la dent, exige du seul homme qui lui reste, son fils, qu’il assure sa survie, comme si elle ne pouvait exister qu’en consommant l’autre, l’homme. 
Une femme ayant abandonné mari et enfant pour faire l’expérience de l’autonomie, de la réussite sociale, mais qui devenue à ce point orpheline de tout lien, va revenir consentante à ses chaînes, comme si elle ne pouvait se réaliser que dans ce sacrifice, comme si exister était s’oublier et disparaître. 
Une autre plus jeune encore, devenue épouse et mère pour se soustraire à la médiocrité de sa propre famille, se hisser plus haut dans l’échelle sociale, mais qui comme réveillée par les deux autres, va choisir de changer de peau, d’identité, comme si elle ne pouvait exister que par procuration. 
Véritable projection de leurs peurs et de leurs fantasmes, la figure de l’homme (père et fils) est plus qu’énigmatique, omniprésente par son absence. Mais n’est-il pas enfermé, plus que tout autre, et sa voix ne peut-elle pas être entendue comme un appel, une plainte ?

Entrée libre
Informations et réservations : TIL - Mancieulles | 03 82 21 38 19 | adresse de la Menuiserie : rue du carreau de la mine, Mancieulles